"Diriger en terre inconnue"

Jérôme Masclaux a accepté de partager avec ENAXION son expérience de dirigeant d’un établissement public de taille moyenne confronté au contexte de crise de la Covid 19. Son regard et les enseignements qu’il en tire nous semblent intéressants à partager à notre tour avec tous les Dirigeants en Action.

Une grande capacité d’adaptation qui s’est mise en place immédiatement

L’établissement dans son ensemble a extrêmement bien réagi au choc exceptionnel induit au printemps de cette année par la Covid. Les collaborateurs se sont montrés très engagés, mus par la conscience de l’importance de leur mission dans cette période si particulière. Nous avons connu en effet un arrêt immédiat de tous les chantiers qu’il a fallu d’abord faire mettre en sécurité en urgence. Puis il a fallu mettre en place un fonctionnement interne permettant de continuer à faire avancer les études et les projets dans la période de confinement, piloter la reprise progressive sur les chantiers en redéfinissant au préalable les consignes et règles sanitaires et de soutenir économiquement les entreprises qui sont nos partenaires sur ces projets. Sur le plan administratif, réglementaire, etc… nous avons dû rapidement terminer d’équiper nos collaborateurs pour le travail à distance, adapter fortement nos modalités de communication et nos process, notamment en accélérant des projets de digitalisation en cours, signature électronique des contrats, avenants, ordres de services par exemple. Finalement, pendant le confinement, l’activité n’a pas décru comme on aurait pu le craindre : les études se sont poursuivies, les interactions avec les entreprises et l’activité administrative nécessaire se sont maintenues et la gestion de crise s’est mise en place sur les chantiers.

Un « baptême du feu » pour l’équipe de direction

Pour ce qui me concerne, je venais de prendre mes fonctions 6 mois plus tôt et venais juste de produire mon rapport d ‘étonnement !  Une nouvelle Secrétaire Générale venait de nous rejoindre, ainsi qu’une nouvelle Directrice de la Construction quelques semaines auparavant. La Secrétaire Générale s’est retrouvée tout de suite très mobilisée sur tous les sujets de mise en sécurité des collaborateurs et des locaux, d’achats d’équipements adaptés, de systèmes d’information, de responsabilité juridique et d’adaptations contractuelles etc… liés à la gestion de crise et à la mise en place du télétravail. En outre, cette fonction de Secrétaire Générale représentait dans son parcours professionnel une évolution en termes de niveau de responsabilités, double challenge donc ! Pour ce qui concerne la Directrice de la Construction, c’était un peu différent, elle avait déjà une expérience de niveau équivalent, en revanche nous venions de décider d’une modification d’organisation, à savoir une fusion des deux Directions de la Construction sous une seule Direction, sous sa responsabilité donc. Elle s’est donc retrouvée immédiatement à gérer, en situation de crise, la totalité des chantiers ! Heureusement, nos Directeurs de projets sont expérimentés, solides et engagés et ils étaient en première ligne pour gérer les échanges avec les entreprises et les établissements maîtres d’ouvrage. Néanmoins, ils avaient besoin d’être soutenus dans cette situation inédite pour eux aussi et c’est ce qu’elle a pu leur apporter, de par son expérience préalable et sa posture d’écoute et de soutien.

Je dirais que pour l’équipe de direction, nouvelle aux trois quarts, ce « baptême du feu » a scellé notre cohésion.

La crise induite par la deuxième vague de Covid devrait être moins complexe

Toute l’activité opérationnelle ne va pas s’arrêter comme ce que nous avons connu au printemps. L’Etat a d’ores et déjà annoncé que le bâtiment doit continuer. Ce qui sera important, c’est de définir la méthode d’organisation des chantiers qui va permettre d’éviter de créer des clusters. Et c’est de voir comment on s’organise dans cette période, côté EPAURIF, pour assurer un minimum de présence physique indispensable auprès des entreprises. Je dirais que cela va être moins complexe qu’en mars, plus en finesse, pour ajuster les bons modes de fonctionnement et d’interaction avec nos partenaires. Evidemment, il faut compter quand même sur la fatigue et la lassitude des personnels qui ont beaucoup donné lors de la première vague.

En termes d’organisation du travail, nous avons finalisé notre charte du télétravail. Deux tiers des collaborateurs ont choisi de télétravailler à hauteur de 2 jours par semaine. Et par ailleurs, contrairement à ce qui s’est passé au printemps, nous allons laisser les locaux ouverts pour ceux qui ont des contraintes personnelles et préfèrent venir au bureau. Nous tirons donc les enseignements de la première vague et nous serons plus fins dans la mise en place de cette nouvelle organisation du travail, dans le respect naturellement des directives gouvernementales.

Notre mission reste la même, mais le monde universitaire va être bouleversé dans ses modes de fonctionnement, charge à nous d’anticiper ces changements et d’être force de proposition

A court terme, l’Etat a lancé le plan de relance de l’économie, qui comporte un volet important de rénovation énergétique des bâtiments publics. Dans ce cadre, nous aiderons les universités à faire leur dossier de candidature puis nous accompagnerons ces chantiers de rénovation, cela complètera notre plan de charge pendant au moins 3 ans.

De façon plus globale, cette crise va nécessairement accélérer la réflexion sur la stratégie immobilière des universités : dans le « monde d’après », à quoi doivent servir ces grands bâtiments publics, qui représentent par ailleurs des dépenses importantes ? aura-t-on par exemple vraiment besoin à l’avenir d’autant de très grandes salles de type amphithéâtre ? quels usages sont vertueux et valables d’un point de vue pédagogique ? quels équipements audiovisuels ou numériques sont réellement utiles ? comment une offre immobilière adaptée peut-elle répondre aux besoins exprimés de nouveaux usages ? quel lien entre immobilier et santé des occupants ? comment accélérer pour développer des projets immobiliers plus responsables à tous points de vue ? etc… Toutes ces questions vont devenir encore plus cruciales et nous, EPAURIF, avons un rôle à jouer pour aider les universités à y répondre et à « accoucher » ainsi de leurs futurs projets immobiliers.

L’enjeu pour nous est vraiment de démontrer notre capacité d’accompagnement, de conseil, être force de proposition et proactif sur ces champs de réflexion. Il nous faut aussi partager ces questionnements et ce savoir-faire, y compris auprès d’institutions qui seraient au-delà de notre strict champ d’intervention statutaire de l’enseignement supérieur en Ile-de -France. On peut  tous être gagnants à partager ainsi nos expériences !

epaurif

Etablissement Public pour l’Aménagement Universitaire de la Région Ile de France. L’EPAURIF a pour vocation d’accompagner les universités et les établissements d’enseignement supérieur et de recherche franciliens dans la mise en œuvre de leur stratégie immobilière. Cela recouvre aussi bien le pilotage de missions d’élaboration de cette stratégie (schéma directeur), de valorisation immobilière ou de programmation de futurs bâtiments que la maîtrise d’ouvrage de leurs projets de rénovation ou de construction neuve et l’accompagnement des phases après réception (organisation des transferts complexes)