"Diriger en terre inconnue"

Rachid Kander directeur général d’ASSEMBLIA, premier aménageur auvergnat, né au 1er janvier 2020, de la fusion de la SEM d’aménagement SEAU et de LOGIDOME, OPHLM, a accepté de partager avec ENAXION son expérience de dirigeant confronté au contexte de crise de la Covid 19. Son regard et les enseignements qu’il en tire nous semblent intéressants à partager à notre tour avec tous les Dirigeants en Action.

Un grand élan de solidarité

La fusion date du 1er janvier 2020, j’en deviens alors directeur général et le COVID arrive en mars tout de suite après. Comme tout le monde, je ne m’attendais pas à cela.

J’ai alors constaté avec bonheur que le COVID générait une très forte mobilisation en interne. Dans notre activité de logement social, il y a un vrai ADN de service. Ce ne sont pas que des mots. Le confinement a eu des impacts importants sur les personnes en difficulté. Ce n’est pas à négliger, il y a eu et il y aura des dégâts sociaux. Nous sommes inquiets pour les travailleurs à faible revenus ou incertains. Il faut être très attentif. 

Cela s’est traduit spontanément par une attention encore plus forte aux locataires, notamment ceux en difficulté. 40% des salariés ont été volontaires pour échanger au téléphone avec les locataires isolés pour les soutenir. Du fait du ralentissement de l’activité, les salariés avaient encore plus envie de donner du sens à leur activité.

Il y a eu aussi un élan de solidarité entre les salariés eux-mêmes. Un réseau social interne s’est créé pour sortir de l’isolement avec des échanges de musique, de recettes, des informations en tous genres. Un journal interne « gardons le lien » a été lancé. Tout cela, ce sont des initiatives spontanées. Cela a démontré que le corps social peut se mobiliser et être innovant. C’est le fruit d’une culture ancienne tournée vers l’autre. Pour les salariés qui ont vécu difficilement le confinement, nous avons mis en place un dispositif d’accompagnement pour ceux qui le voulaient.

La période nous a fait ressentir encore plus que d’habitude que, le bien le plus précieux dans une entreprise, c’est le capital humain. L’information que j’attends chaque matin avec anxiété, c’est le nombre de cas COVID.

Un nouveau regard sur le logement.

 Nous venions de définir le cap à moyen terme de notre nouvelle structure fusionnée. Cela ne le remet pas en question à court terme. En revanche, la crise a révélé des questionnements nouveaux. Le confinement fait s’interroger sur ce qu’on attend dorénavant d’un logement (par exemple, disposer d’un balcon est apparu comme un avantage évident, alors que les constructions en cours n’en prévoient que très peu).  

La construction de logements est un métier de long terme, jusqu’à présent relativement planifiable. J’ai coutume de dire que nous sommes dans « un business à sucre lent ». La crise nous interroge sur nos certitudes, nos façons de raisonner.

Parallèlement, aux dernières élections municipales, beaucoup de grandes municipalités ont élus des maires écologistes qui portent un autre regard sur la ville et la construction de logements. Des élus ont bloqué des opérations d’aménagement et de construction en cours. Cela a un impact économique pour nous. Cela peut aussi interroger certains professionnels de la construction sur leur métier. Mais il y a aussi des opportunités à jouer autour de l’enjeu écologique.  Par exemple, nous allons lancer une société sur la transition énergétique.

Une autre approche du management du travail

 Au plan de l’organisation, la mise en place du télétravail a eu pour effet de s’interroger sur le management du travail. Les managers doivent responsabiliser encore plus leurs collaborateurs, accorder plus d’autonomie.  Ce n’est pas si facile. C’est un nouveau regard sur les relations de travail. En tant que manager et moi en tant que dirigeant, on doit lâcher prise sur un certain nombre de choses.

Mon rôle de dirigeant a changé.

Ma prise de fonction de dirigeant d’Assemblia au premier janvier 202O est un changement pour moi. Je dirigeais auparavant la SEAU, une structure de 30 personnes dans un métier que je connaissais bien l’aménagement. Je suis devenu dirigeant d’une structure de 200 personnes qui associe le métier d’aménageur/constructeur et celui de bailleur social que je découvre.

Tout le sens de la fusion entre les 2 métiers est de réussir à les marier pour déployer une offre plus complète et plus cohérente au service du territoire. Lors de la fusion, nous avons choisi le nouveau de structure Assemblia avec comme baseline « Bâtisseur de liens » Plusieurs noms avaient été proposés. Un vote des élus et des salariés a été opéré pour choisir.

Ma valeur ajoutée, c’est de rappeler les finalités du projet Assemblia, aider à prendre du recul en rappelant le cap, la stratégie, la politique au bon sens du terme. Je suis moins dans l’opérationnel qu’avant.

Mon rôle est d’être présent dans les lieux où se fabrique la stratégie du territoire pour s’assurer de la cohérence entre l’outil et la politique. La commande publique change. Face au ralentissement économique, la crise invite les collectivités à reconsidérer leurs modes de soutien.

Il y a eu des changements de personnes dans l’équipe de direction. Celle-ci doit s’adapter au nouveau contexte géopolitique local suite aux dernières élections. J’ai le souci de développer la cohésion de cette équipe. Mon enjeu est que les membres de l’équipe direction issus de métiers différents portent eux aussi la vision globale que promeut Assemblia.

La période éprouve nos valeurs et les renforce.

Il faut rester lucides, y compris sur soi-même, garder la tête froide. Il faut être à la fois hyper vigilant, et lâcher prise. On ne sait pas ce qu’il y a devant nous. Si on est sûr de sa compétence, de ses valeurs, si on est bien entouré, il n’y aura pas de souci. Cette période d’incertitude, de remise en question m’a fait encore plus prendre conscience que mon rôle est de donner du sens et être à l’écoute.

assemblia

Avec près de 10 000 logements situés dans l’agglomération clermontoise, assemblia remplit une mission de service public : loger celles et ceux qui ont des difficultés à trouver un logement dans le marché immobilier privé. Entreprise Publique Locale (EPL), assemblia se mobilise pour que les habitants aient un cadre de vie agréable et que les collectivités réussissent le défi de la cohésion et du développement. La diversité des savoir-faire des 220 salariés assemblia se complète dans les nombreux domaines de l’habitat, de l’innovation sociale et de l’immobilier d’entreprise, au profit de l’intérêt général du territoire de l’ouest régional.