"Diriger en terre inconnue"

Jean-Matthieu Biseau  Président Directeur Général d’Opteven, un acteur majeur de l’assurance Garantie Panne Mécanique et de l’assistance en France et en Europe a accepté de partager avec ENAXION son expérience de dirigeant d’ETI confronté au contexte de crise de la Covid 19. Son regard et les enseignements qu’il en tire nous semblent intéressants à partager à notre tour avec tous les Dirigeants en Action.

Cette crise est un révélateur des forces de l’entreprise et de manques à combler aussi

Jean-Matthieu : Notre entreprise a toujours vécu autour de l’activité de call center : des gens sur le « plateau », les journées dans le « vert », dans le « rouge », la vie des équipes. Avec le confinement tout cela s’est arrêté.  Le pendant de cette culture de plateau est que nous étions très en retard sur le télétravail ; et le télétravail n’était pas une inclinaison naturelle chez moi. Je savais que nos équipes étaient très agiles et nous l’avons plus que confirmé avec 500 personnes à la maison en une semaine ! Mais notre capacité à travailler à distance, je ne le savais pas : le matériel a tenu, les salariés ont joué le jeu, ils ont démontré leur autonomie et il y a eu une bonne productivité individuelle.

En revanche, depuis avril, notre productivité collective s’est dégradée. Tant que les procédures sont écrites et que les actions sont habituelles, le fonctionnement est bon. Mais quand les problèmes sont nouveaux, avec de nouvelles solutions à trouver, une mise en œuvre qui implique plusieurs expertises, nous sommes moins bons, nous allons moins vite. La mise en œuvre de nouveaux outils et l’apprentissage du mangement à distance sont nécessaires pour être plus performant. Cela va prendre du temps pour intégrer de nouveaux modes de fonctionnement collectif. Nous sommes en train de formaliser un accord sur le télétravail, nous devons professionnaliser le travail à distance.

Combiner prudence sur le court terme et vision sur le moyen – long terme

Jean-Matthieu : Avant la crise, j’avais une grosse confiance dans la solidité financière d’Opteven. Là avec la Covid, on se rend compte qu’une succession de difficultés improbables peut s’enchainer très vite et qu’il est important de rester prudent. A ce titre notre actionnaire, Ardian, a été très utile. Il nous a poussé à agir avec plus de sécurité, à faire un scénario avec un deuxième confinement en fin d‘année. Tout cela a été très judicieux quand on observe maintenant en octobre ce qui se passe.

Plus que jamais nous devons combiner le pilotage efficace du très court terme avec tous les problèmes sanitaires et opérationnels posés par la Covid, et porter aussi notre regard sur le moyen et long terme. Le risque est d’être englués sur le court terme et de tomber dans la sinistrose. Regarder le moyen et long terme est aujourd’hui encore plus important que dans la vie normale. Actuellement nous nous relançons sur un plan stratégique à horizon 3-5 ans. C’est une formidable occasion de faire travailler les gens ensemble.  Les différents groupes de travail ont une consigne pour mener ce chantier : interdiction de prononcer le mot Covid.

Cette période est source d’inconfort et de tensions

Jean-Matthieu : J’ai réalisé que finalement ce qui m’anime personnellement dans mon rôle de dirigeant, ce sont les gens : aller au contact des personnes, échanger de manière informelle avec le terrain, … Et le confinement m’a totalement coupé des relations au-delà de mes N-1. Mes canaux habituels d’information et d’influence ne sont plus possibles. Je prends ainsi beaucoup plus de temps à analyser les comptes rendus de réunions et je suis particulièrement vigilant sur la clarté de mes messages. Le deuxième sujet très pénalisant est l’international car je ne peux plus voyager. Depuis plus de 6 mois, il n’y a que des échanges en visio avec les patrons de pays et je note une augmentation des tensions entres les entités opérationnelles à l’étranger et le siège.

Il me remonte qu’il y a globalement de la fatigue chez les managers. Il est particulièrement complexe de trouver le bon équilibre entre les gestes barrières, une forme de convivialité, des interactions avec nos clients, ….  Notre responsabilité est d’assurer un espace sécurisé aux salariés. Et le grand défi est aussi de transmettre de l’énergie et du positif dans les équipes. Cette période est un challenge très fort en termes de communication et de qualité de relation. La distance entre les équipes, la difficulté à transmettre aux nouveaux venus dans l’entreprise sont autant de sujets délicats.

La gouvernance ou le leadership sont-ils questionnés par cette crise ?

Jean-Matthieu : Il se trouve qu’avec vous Enaxion justement, nous avons fait évoluer de manière importante la gouvernance d’Opteven il y a un peu plus d’un an et nous continuons dans cette direction car ce changement était vertueux et nécessaire pour notre croissance. Il n’y a pas lieu de revenir en arrière.

Pour ma part, j’avais fait évoluer la façon d’exercer mon leadership lors de cette évolution de gouvernance. Mais je sens actuellement le renforcement du rôle de protection que j’ai à jouer, tout en gardant une juste distance aux situations.

Cette période met aussi en exergue la vulnérabilité que nous renvoie la Covid. Il s’est avéré que du jour au lendemain, des responsables pouvaient être absents et que l’activité devait pouvoir continuer. Pour des leaders au sein d’une équipe dirigeante, c’est un enjeu clé : leur capacité à ne servir à rien dans le fonctionnement opérationnel ! Aucune personne d’une équipe de direction ne doit se rendre indispensable dans le fonctionnement de son entreprise. En revanche chacune doit être clé dans la valeur ajoutée qu’elle apporte sur son périmètre et à l’ensemble du comité de direction. Cette ligne de conduite peut être contre-intuitive ou ambiguë mais elle est fondamentale pour toute équipe dirigeante.

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Opteven est une société qui opère dans le secteur de l'assurance. Avec 192 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019, c'est un acteur majeur de la Garantie Panne Mécanique et de l'Assistance en France et en Europe. Opteven connaît sur ces deux métiers une croissance constante depuis 10 ans. Avec 600 collaborateurs, la société est implantée dans 5 pays : France, Italie, Royaume-Uni, Espagne, Allemagne. Plus que jamais l'ambition d'Opteven est d'être un acteur de référence en Europe, spécialiste des garanties et services adaptés à la mobilité de demain.