Un enseignement de la crise du coronavirus

Ces deux mois de confinement ont la vertu de nous avoir mis à distance de notre monde habituel. Pour mieux l’observer, avec davantage de lucidité. De la même façon qu’un voyage dans un pays étranger nous amène à porter un regard nouveau sur notre propre pays.  

Au-delà des grandes difficultés humaines, sociales, économiques qu’elle génère et sûrement pour longtemps, cette crise nous laisse clairement comprendre que nous ne pouvons plus ignorer les risques majeurs, pourtant connus de nous, liés aux choix explicites ou implicites que nous faisons.

De par son ampleur, cette crise met en évidence la fragilité du système mondial face à des chocs qui dépassent une certaine intensité. Pour la première fois depuis longtemps, nous sommes confrontés tous ensemble à la précarité de notre monde, de nos situations individuelles et collectives. C’est un appel à plus d’humilité, à une prise de distance par rapport à nos certitudes.

Face au défaut de prévoyance à l’origine de cette crise, c’est notre appréciation des risques qui est appelée à changer. Et de là, notre façon d’opérer des choix stratégiques. Ceux-ci ne peuvent plus être dictés uniquement à la lumière d’opportunités ou de recherche de gains à court terme.

De nombreux pays vont s’interroger sur leur degré de dépendance vis-vis de l’extérieur, non plus seulement dans le domaine militaire et de l’énergie comme jusqu’à présent, mais aussi dans le domaine de la santé, de l’alimentation, des télécommunications, … D’un point de vue géostratégique, dépendre à ce point d’un seul pays est-il bien raisonnable ? Une statistique à elle seule résume tout :  90% de la pénicilline mondiale est produite en Chine. Plus largement, c’est le concept de division internationale du travail poussé à l’extrême qui est interrogé.

Pour les entreprises, les stratégies d’hyper spécialisation pour maximiser les avantages compétitifs, peuvent se révéler de redoutables souricières. Maitriser ses risques d’approvisionnement redevient un impératif. Les chaînes de valeur sont à réinterroger. Le choix de localisation de l’activité est à évaluer au-delà de la seule prise en compte du coût du travail.

Accentuer le développement du digital tant en termes d’organisation du travail (distanciel) que de distribution des produits (e-business) – telle que la crise du coronavirus nous y pousse naturellement- n’est pas non plus sans risque au regard de la dépendance aux infrastructures et systèmes d’information et de communication. Ces risques aussi doivent pris en considération. De même, ignorer ou sous-estimer les risques environnementaux et climatiques n’est plus pensable, ni pour les États, ni pour les entreprises, ni pour les citoyens…ni non plus pour les investisseurs financiers.

Faire des choix stratégiques mieux éclairés à la lumière de la prise en compte des risques – et de leurs interactions systémiques- ne doit pas pour autant conduire à l’immobilisme en laissant de côté des opportunités ou des innovations. Il s’agit plutôt de penser le monde dans sa globalité et sa complexité et considérer qu’aucun acte ne peut être réfléchi isolément. Cette crise impose à tout un chacun de poser un regard responsable sur ses choix y compris ceux en apparence anodins. Face aux défis qui nous attendent, cela peut être au final l’opportunité d’un vrai sursaut.

Michel Tavernier