« Le projet RépareSeb comporte un double objectif : augmenter la durée d’usage des produits en intégrant toute la boucle de l’économie circulaire et favoriser le retour à l’emploi de personnes en difficultés. »

Sophie Le Hénaff, Contrôleur de gestion CSS

RépareSeb est la nouvelle joint venture sociale du groupe Ares, créée en partenariat avec le Groupe SEB.

Créé en 1857, le Groupe SEB est la référence mondiale du petit équipement domestique, avec des marques comme Calor, Krups, Moulinex, Tefal, Rowenta, Seb.

Chiffres clés : 7 Mds € CA, 34 000 employés, 30 marques,  150 pays

Sophie Le Hénaff, Contrôleur de gestion CSS, nous en dit plus.

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots votre parcours professionnel et votre profil ?

SophieAprès une formation en école de commerce, j’ai démarré ma carrière chez KPMG en tant qu’auditrice financière puis j’ai enchaîné différentes expériences : dans l’industrie du parfum, chez Acted dans l’humanitaire pendant un an, chez Renault à la direction commerciale avant de rejoindre le Groupe SEB il y a 20 ans maintenant.

Au sein du Groupe SEB, j’ai pu enchaîner 7 positions différentes dans l’organisation, en étant toujours très centrée sur la fonction finance-gestion : responsable du Reporting Groupe, responsable du contrôle de gestion de différentes activités comme le Retailing par exemple et tout dernièrement pour le Service Après-Vente (Consumer Satisfaction Services, CSS) du Groupe.  

En relisant ce parcours, cela me fait penser qu’au début de ma carrière, j’étais à la fois attirée par la finance et le commercial, ce que peu de personnes arrivaient à comprendre mais je sais que cette double attirance est toujours présente en moi.

Cela parle finalement de la variété et de l’originalité de mon profil : être à la fois quelqu’un de très relationnel qui aime beaucoup le concret, l’action, le résultat et puis l’appétence pour la prise de recul, la maîtrise du chiffre, la compréhension approfondie des business models.

« J’aime avoir de l’autonomie et être force de proposition, être capable d’exprimer plusieurs choses au niveau professionnel. »

Finalement, j’ai toujours cherché à allier les 2. Mon poste actuel, je réalise que je l’ai accepté avec plaisir pour cette raison : le pilotage financier du Service Après-Vente (Consumer Satisfaction Services, CSS) et ce projet de RépareSeb à fort enjeu. J’ai trouvé cette mission très inédite et intéressante ; c’est vrai, j’aime beaucoup la nouveauté. J’aime avoir de l’autonomie et être force de proposition, être capable d’exprimer plusieurs choses au niveau professionnel. Je suis curieuse et j’aime m’investir.  

Pouvez-vous nous parler du projet RépareSEB ?

RépareSeb est le premier centre Parisien de la réparation collaborative, de l’économie circulaire et de l’insertion professionnelle. C’est un projet qui a été initié en 2016 puis lancé officiellement en 2018 aux côtés d’ARES avec le soutien de la Mairie de Paris. Le démarrage opérationnel a commencé début janvier 2021 et une inauguration est prévue ces prochains mois, en fonction bien sûr de l’évolution sanitaire.

Ce projet comporte un double objectif : augmenter la durée d’usage des produits en intégrant toute la boucle de l’économie circulaire (réparations, remises en état pour une « 2ème vie », économie de fonctionnalité avec la location de produits etc.) ; et favoriser le retour à l’emploi de personnes en difficultés. Ce sont des thèmes pour lequel le Groupe SEB s’engage fortement. Pour la petite histoire, notre fondateur est Antoine Lescure, rétameur ambulant qui passait dans les villes pour réparer les casseroles avant qu’il ne fonde la ferblanterie Lescure et plus tard la Société d’Emboutissage de Bourgogne (SEB). La réparation est dans l’ADN du Groupe SEB !

« RépareSeb est un projet stratégique porté au plus haut niveau de l’entreprise »

RépareSeb n’est pas né par hasard : c’est un projet stratégique porté au plus haut niveau de l’entreprise et qui représente une vraie originalité sur le marché sous trois aspects : le premier, c’est l’alliance de 3 acteurs majeurs, la Mairie de Paris, capitale très engagée dans la stratégie d’économie circulaire, Ares, acteur référent de l’Economie Sociale et Solidaire et le Groupe SEB, leader mondial du Petit Electroménager, pionnier en matière de réparabilité et très engagé sur les sujets sociaux et sociétaux qui structure le projet d’un point de vue juridique, immobilier et gestion et en assure le pilotage. Le Groupe SEB s’est en effet engagé à soutenir le projet financièrement jusqu’ à son point d’équilibre.

Ces trois volontés et expertises se sont réunies sous la forme d’une JVS (Joint-Venture Sociale) entre Ares et le Groupe SEB, c’est-à-dire une structure juridique qui démontre le caractère solide et pérenne de RépareSeb : c’est le 2ème aspect inédit.

Le troisième, c’est l’engagement financier de la Mairie de Paris, qui subventionne le projet de manière alignée avec ses convictions en termes d’intégration et de souci des plus fragiles et le besoin clair de réhabilitation d’un quartier, le 18ème arrondissement.

« RépareSeb est un projet d’envergure, innovant, avec des résultats concrets attendus qui lient les parties prenantes. »

Beaucoup d’obstacles ont été dépassés : les arrêts liés à la Covid, les restrictions budgétaires très strictes que le Groupe SEB a dû faire : c’est un vrai motif de fierté et de reconnaissance de notre Direction générale qui ne s’est pas déjugée et a su tenir ses engagements alors que la situation économique était bouleversée.

Les challenges du projet sont multiples et indissociables : d’abord la réhabilitation réussie d’un bâtiment immense (900m²) dans un respect des budgets. Ensuite, le recrutement et l’intégration de 250 salariés qui vont se faire bien sûr sur plusieurs années car insérer professionnellement des personnes qui sont en marge de toute qualification et du marché du travail prend du temps : il y a tout un dispositif de sélection, de formation et d’accompagnement des publics qui est extrêmement complexe. Il y a le défi de l’équilibre économique et du développement durable des appareils électroménagers.

Quatre activités sont prévues dans ce lieu : la réparation des appareils de marques du Groupe SEB et puis dans un deuxième temps de toutes marques, la remise en état des appareils (ce que l’on nomme la deuxième vie), la location d’appareils et puis enfin l’intégration de start-ups œuvrant dans l’économie circulaire.

Les objectifs sont explicites et communs. Des arbitrages inévitables ont été faits depuis le départ en relevant chaque défi et cela a permis d’ailleurs de vérifier toute la cohérence et la robustesse du projet. Pour SEB en tous les cas, on voit bien que c’est son ADN qui s’exprime. Dès le départ le Groupe a eu ce souci du caractère recyclable de ses produits. Il est mis en œuvre dès leur conception, permet un niveau de réparabilité économiquement raisonnable supérieur à tous ses concurrents et le marché reconnaît son leadership en la matière. La responsabilité sociétale de l’entreprise n’est pas nouvelle non plus. Il y a eu donc beaucoup d’agilité, d’engagement et aussi de pragmatisme dans ce projet.

Il a fallu de la rigueur dans le montage et le suivi des dossiers pour obtenir les subventions. Il a fallu prioriser l’éventail des activités qui ont été imaginées : dans un premier temps un centrage sur la remise en état des produits, moins exigeante que la réparation sous garantie en termes de délai d’exécution car il faut accepter un développement progressif des compétences des salariés en insertion. Il a fallu assumer la complexité de la réhabilitation : la durée des négociations avec le bailleur qui a finalement duré un an et demi et la réalisation des travaux plus ardue que prévue, avec l’impact des confinements qui n’a rien simplifié.

Vous avez été en charge du projet RépareSeb au niveau du Groupe. Qu’avez-vous appris ? Comment votre rôle a-t-il évolué ?

La structure RépareSeb est dirigée par un directeur opérationnel. Les actionnaires sont Ares et le Groupe SEB. Je siège au Comité Stratégique avec un rôle particulier de suivi de gestion et du développement de l’activité. Mon rôle pendant le projet a été d’être extrêmement transparente et de donner une vision claire des enjeux, notamment en étant très explicite sur les différents niveaux de risques, à partir d’hypothèses favorables et défavorables pour que toutes les parties prenantes prennent bien conscience des enjeux notamment financiers derrière cette opération. Mon objectif était de permettre au projet d’avancer sereinement malgré les inévitables aléas.

Faire du social et du durable, avoir une image exemplaire, cela doit aussi passer par de la rigueur financière.

« J’ai été surprise positivement par la ténacité dont j’ai fait preuve tout au long de ce projet »

Dans cette mission qui m’a été confiée, j’ai appris plusieurs choses sur moi. D’abord j’ai été surprise moi-même par la ténacité que j’ai pu avoir sur une aussi longue période : je suis quelqu’un de plutôt engagée et persévérante mais je ne me voyais pas forcément capable de tenir : cela constitue pour moi finalement une certaine fierté.

Cela m’a confortée aussi dans l’importance d’être vigilant avec l’ensemble des partenaires avec leur propre compréhension, leurs enjeux et leurs limites aussi. J’ai osé aller dans le détail et interroger pour comprendre. Je me suis engagée à tout aborder avec les différents partenaires de manière franche.

Quel conseil donneriez-vous à un dirigeant qui souhaiterait mener un projet social, écologique et solidaire comme RépareSeb ?

Tout d’abord, de ne pas hésiter à recourir aux compétences des ressources internes de l’entreprise pour les points sur lesquels l’on n’est pas expert.

Le deuxième conseil que je donnerais, c’est d’être agile, c’est à dire de s’adapter sans cesse dans la configuration du projet. Avoir des idées et des convictions mais savoir doser et les remettre en question en regardant aussi autour de soi.  Par exemple dans notre cas, se concentrer d’abord sur la remise en état, ce qui n’était pas notre projet de départ.  Nous avons identifié que certains de nos concurrents ont commencé à s’intéresser au marché de l’occasion. Cela nous a confirmé que c’était stratégiquement intéressant au-delà de la pertinence par rapport à la viabilité de notre projet.

Le troisième conseil, c’est l’ouverture à l’inconnu (sans se renier). Être prêt à s’ouvrir à d’autres modèles financiers dans mon cas, alors que j’ai été nourri pendant 20 ans aux principes de gestion du Groupe SEB, différents de celui de RépareSeb.
J’ai dû apprendre à ouvrir mon esprit et à sortir de certaines croyances tout en gardant le meilleur de ce que j’ai appris dans le Groupe, c’est-à-dire l’exigence. L’exigence du questionnement et de la compréhension et puis la rigueur de la gestion, cela n’empêche pas d’être innovant.